lunes, 13 de febrero de 2012

Albert Thibaudet y Enrique Larreta: La gloria de Don Ramiro.


LA GLORIA DE DON RAMIRO

Para hacernos leer La Gloria de Don Ramiro nos bastaba el patronazgo de Remy de Gourmont, que, en este caso, no fue otorgado en vano. El verdadero título del libro es el subtítulo: Una vida en tiempos de Felipe II. Enrique Larreta ha querido escribir una novela histórica que fuese una obra de psicología española. Cumplió con esa tarea usando más sus dones de inteligencia, quizás, que el temperamento de un creador original y espontáneo. Toda la literatura española de esta época nos produce, por otra parte, la misma impresión. Es un producto de cultura.
La novela de aventuras, obra de muy hábil ejecución, hace pensar más en Walter Scott que en los viejos libros picarescos. Pero de esa forma de arte Enrique Larreta sólo toma el marco. El tema real es la historia de un español que nos es presentado sin una sola línea de comentario ni de reflexión, mediante el simple concatenamiento de sus aventuras, únicamente mediante su reacción ante una trama de acontecimientos novelescos, y que se nos muestra, no a la manera romántica, como un individuo de excepción, sino como un tipo de su raza. En esto reconocemos la técnica de La Cartuja de Parma, y yo creo que Enrique Larreta tuvo en la mente, mientras escribía su novela, la obra maestra de Stendhal. Cito La Cartuja porque la psicología del español me hace pensar más naturalmente en la del italiano, pero igualmente podría, y quizás fuese más adecuado, traer a colación El Rojo y el Negro.
Así, pues, un marco a lo Walter Scott, un cuadro a lo Stendhal, pero un estilo muy diferente, lleno de brío y de sabor, amplio, repleto de bellas imágenes y descripciones muy cuidadas, rico y pintoresco como un mantón castellano. La obra tiene un porte admirable, pero creo, sin embargo, que Enrique Larreta podría haberse acercado mucho más a la perfección. A veces el marco devora el cuadro, lo entierra bajo dorados vulgares y carentes de interés. Ciertas aventuras un poco ingenuas no logran surtir efecto, y no arrojan ninguna nueva luz sobre el personaje de Ramiro. Cierto uso de lo maravilloso no es acorde con el tono y el espíritu del libro. Y todos estos defectos sólo empiezan en la segunda parte del libro, que no parece haber sido concebido de un tirón. La composición es la rara avis en la belleza de una novela. Enrique Larreta, como su protagonista, ha cedido a demasiadas tentaciones como para respetar puntillosamente sus leyes.
Me gustan la vida, el relieve de sus personajes secundarios, pero me molesta esa Aixa de fantasía, enmarcada por un pintoresquismo de romanza que desentona con el preciso realismo del libro. Sin embargo había allí una bellísima ocasión de dar vida a un personaje inspirado en la Bourret-el-Aïnjersane que Gobineau nos ha dejado entrever en sus notas sobre el babismo.
Tomo de la obra esta hermosa página sobre las espadas de Toledo, que, por otra parte, como todo el episodio, es un añadido un poco torpe.
«Allí vio Ramiro, por primera vez, manipular las espadas ígneas, y contempló con heroico deslumbramiento tantos aceros que iban a lanzarse en seguida hacia las más diversas comarcas, frenéticos de sangre y de honra.
»Unos eran acostados sobre los yunques para recibir el castigo de los martillos; otros lanzaban un grito viviente, animal, al ser hundidos de pronto en el agua de las tinajas; a éstos, ya listos, les bañaban de sebo, como al hombre que le engrasan después de la tortura, o les llevaban al vecino taller para sufrir las incrustaciones de la ataujía.
»De toda aquella fosca suciedumbre de cisco y de hierro surgían sin cesar cosas espléndidas: cascos de irisado pavón incrustados de oro purpúreo, rodelas de justa donde el amor mandaba inscribir un mote demasiado indeleble, dagas de forma sarracena que llevaban en la hoja un limpio nombre cristiano, estoques de gala para el Rey, espadas de provecho encargadas con impaciencia por capitanes de Flandes.
»Oíase el jadear de los fuelles y el repique de las bigornias. Por momentos un hombre casi desnudo bajo el chamuscado mandil, abriendo el portillo de un horno, que reflejaba en sus carnes sudorosas resplandores de infierno, arrojaba el puñado de arena o asía con las tenazas algún trozo de armadura, que semejaba la corteza de algún fruto rojo y fantástico.»
Lo que ha hecho Enrique Larreta en su novela es templar también una hermosa serie de espadas más que forjar, de la cabeza a los pies, una armadura completa y única.






LA GLOIRE DE DON RAMIRE
Enrique Larretta : La Gloire de don Ramire.
(publié par le Mercure de France et traduit par Remy De Gourmont)

Pour nous faire lire La Gloire de don Ramire il nous suffisait du patronage de Remy de Gourmont, qui ne fut pas ici donné en vain. Le vrai titre du livre est le sous-titre : Une vie au temps de Philippe II. M. Larreta a voulu écrire un roman historique qui fût une œuvre de psychologie espagnole. Il s'est acquitté de ce labeur plus peut-être avec des dons d'intelligence qu'avec un tempérament de créateur original et naïf. Toute la littérature espagnole de cette époque nous donne d'ailleurs la même impression. Elle est un produit de culture.
Œuvre de mise au point fort habile, le roman d'aventures rappelle davantage Walter Scott que les vieux livres picaresques. Mais à cette forme d'art M. Larreta ne prend qu'un cadre. Le sujet réel c'est l'histoire d'un Espagnol qui nous est présenté, sans une ligne de commentaire ou de réflexion, par la simple suite de ses aventures, par sa seule réaction devant un tissu d'événements romanesques, et qui est donné non à la manière romantique, comme-un individu d'exception, mais comme un type de sa race. On reconnaît là la technique de la Chartreuse de Parme, et je crois que M. Larreta a eu, en écrivant son roman, présent à l'esprit le chef-d'œuvre de Stendhal. Je cite la Chartreuse parce que la psychologie de l'Espagnol me fait plus naturellement penser à celle de l'Italien, mais je pourrais aussi bien, peut-être mieux, alléguer Le Rouge et le Noir.
Donc, un cadre à la Walter Scott, un tableau à la Stendhal, mais un style bien différent, plein de nerf et de goût, ample, riche en belles images et en descriptions caressées, étoffé et pittoresque comme un manteau castillan. L'œuvre est d'une admirable tenue, et pourtant je crois que M. Larreta aurait pu approcher de plus près la perfection. Le cadre parfois mange le tableau, l'enfouit sous des dorures vulgaires et sans intérêt. Certaines aventures un peu naïves manquent leur effet et ne mettent en aucune lumière nouvelle le personnage de Ramire. Certain merveilleux ne se raccorde pas au ton et à l'esprit du livre. Et tous ces défauts ne commencent qu'à la seconde partie du volume, qui ne paraît pas avoir été conçu d'un jet. La composition, c'est l'oiseau rare dans la beauté d'un roman. M. Larreta a cédé, comme son héros, à trop de tentations pour en respecter jusqu'au bout les lois.
J'aime la vie, le relief de ses personnages de second plan ; je reste choqué par une Aïxa de fantaisie, encadrée dans un pittoresque de romance, qui détonne avec le net réalisme du livre. Il y avait là pourtant une occasion fort belle de faire vivre un personnage inspiré de la Bourret-el-Aïnjersane que Gobineau nous a fait entrevoir dans ses notes sur le babysme.
J'extrais cette belle page sur les épées de Tolède, amenée d'ailleurs — avec tout l'épisode — en un hors-d'œuvre un peu maladroit.
« Là, Ramire vit pour la première fois manipuler les épées rougies au feu, et contempla, avec un héroïque éblouissement, toutes ces lames d'acier qui allaient se lancer bientôt dans les contrées les plus diverses, frénétiques de sang et d'honneur.
« Les unes étaient couchées sur les enclumes où elles recevaient le châtiment des marteaux ; d'autres lançaient un cri  vivant, animal, quand on les plongeait soudain dans l'eau des cuves ; celles qui étaient déjà prêtes, on les oignait de suif, comme le patient que l'on frotte de graisse après la torture, ou bien on les portait à l'atelier pour y souffrir les incrustations de la damasquinure.
« De toute cette fauve saleté de charbon et de fer surgissaient sans cesse des choses splendides : casques d'un bleu irisé incrusté d'or pourpre, rondaches de tournoi, où l'amour faisait inscrire une devise trop indélébile, dagues de forme sarrasine qui portaient sur la lame un nom chrétien de pure race, estocs de gala pour le roi, épées d'usage commandées avec impatience par des capitaines des Flandres,
« On entendait sans cesse le halètement des soufflets et le cliquetis des enclumes. Par moments un homme quasi nu sous son tablier roussi, ouvrant la porte d'un four qui reflétait sur son corps suant des lueurs d'enfer, lançait la poignée de sable, ou saisissait avec des tenailles quelque morceau d'armure qui ressemblait à l'écorce d'un fruit rouge et fantastique. »
M. Larreta aussi a, dans son roman, trempé plutôt une belle série d'épées que forgé, de pied en cap, une armure complète et unique.

ALBERT THIBAUDET
(La Phalange. Paris, 20 août 1910.)