miércoles, 5 de agosto de 2009

Jean Racine y Bretón de los Herreros



Andromaque

ACTE PREMIER

SCENE PREMIERE - ORESTE, PYLADE.

ORESTE.
Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle,
Ma fortune va prendre une face nouvelle ;
Et déjà son courroux semble s'être adouci,
Depuis qu'elle a pris soin de nous rejoindre ici.
Qui l'eût dit, qu'un rivage à mes voeux si funeste
Présenterait d'abord Pylade aux yeux d'Oreste ?
Qu'après plus de six mois que je t'avais perdu,
A la cour de Pyrrhus tu me serais rendu ?

PYLADE.
J'en rends grâces au Ciel, qui, m'arrêtant sans cesse,
Semblait m'avoir fermé le chemin de la Grèce,
Depuis le jour fatal que la fureur des eaux
Presque aux yeux de l'Épire écarta nos vaisseaux.
Combien dans cet exil ai-je souffert d'alarmes !
Combien à vos malheurs ai-je donné de larmes,
Craignant toujours pour vous quelque nouveau danger
Que ma triste amitié ne pouvait partager !
Surtout je redoutais cette mélancolie
Où j'ai vu si longtemps votre âme ensevelie.
Je craignais que le Ciel, par un cruel secours,
Ne vous offrît la mort que vous cherchiez toujours.
Mais je vous vois, Seigneur ; et, si j'ose le dire,
Un destin plus heureux vous conduit en Épire
Le pompeux appareil qui suit ici vos pas
N'est point d'un malheureux qui cherche le trépas.

ORESTE.
Hélas ! Qui peut savoir le destin qui m'amène ?
L'amour me fait ici chercher une inhumaine,
Mais qui sait ce qu'il doit ordonner de mon sort,
Et si je viens chercher ou la vie ou la mort ?

PYLADE.
Quoi ! Votre âme à l'amour en esclave asservie
Se repose sur lui du soin de votre vie ?
Par quel charme, oubliant tant de tourments soufferts,
Pouvez-vous consentir à rentrer dans ses fers ?
Pensez-vous qu'Hermione, à Sparte inexorable,
Vous prépare en Épire un sort plus favorable ?
Honteux d'avoir poussé tant de voeux superflus,
Vous l'abhorriez ; enfin, vous ne m'en parliez plus.
Vous me trompiez, Seigneur.

ORESTE.
Je me trompais moi-même.
Ami, n'accable point un malheureux qui t'aime.
T'ai-je jamais caché mon coeur et mes désirs ?
Tu vis naître ma flamme et mes premiers soupirs.
Enfin, quand Ménélas disposa de sa fille
En faveur de Pyrrhus, vengeur de sa famille,
Tu vis mon désespoir ; et tu m'as vu depuis
Traîner de mers en mers ma chaîne et mes ennuis.
Je te vis à regret, en cet état funeste,
Prêt à suivre partout le déplorable Oreste,
Toujours de ma fureur interrompre le cours,
Et de moi-même enfin me sauver tous les jours.
Mais quand je me souvins que, parmi tant d'alarmes,
Hermione à Pyrrhus prodiguait tous ses charmes
Tu sais de quel courroux mon coeur alors épris
Voulut en l'oubliant punir tous ses mépris.
Je fis croire et je crus ma victoire certaine ;
Je pris tous mes transports pour des transports de haine ;
Détestant ses rigueurs, rabaissant ses attraits,
Je défiais ses yeux de me troubler jamais.
Voilà comme je crus étouffer ma tendresse.
En ce calme trompeur j'arrivai dans la Grèce,
Et je trouvai d'abord ses princes rassemblés,
Qu'un péril assez grand semblait avoir troublés.
J'y courus. Je pensais que la guerre et la gloire
De soins plus importants rempliraient ma mémoire ;
Que, mes sens reprenant leur première vigueur,
L'amour achèverait de sortir de mon coeur.
Mais admire avec moi le sort dont la poursuite
Me fait courir alors au piège que j'évite.
J'entends de tous côtés qu'on menace Pyrrhus ;
Toute la Grèce éclate en murmures confus ;
On se plaint qu'oubliant son sang et sa promesse,
Il élève en sa cour l'ennemi de la Grèce,
Astyanax, d'Hector jeune et malheureux fils,
Reste de tant de rois sous Troie ensevelis.
J'apprends que pour ravir son enfance au supplice
Andromaque trompa l'ingénieux Ulysse,
Tandis qu'un autre enfant, arraché de ses bras,
Sous le nom de son fils fut conduit au trépas.
On dit que, peu sensible aux charmes d'Hermione,
Mon rival porte ailleurs son coeur et sa couronne.
Ménélas, sans le croire, en paraît affligé
Et se plaint d'un hymen si longtemps négligé.
Parmi les déplaisirs où son âme se noie,
Il s'élève en la mienne une secrète joie.
Je triomphe ; et pourtant je me flatte d'abord
Que la seule vengeance excite ce transport.
Mais l'ingrate en mon coeur reprit bientôt sa place.
De mes feux mal éteints je reconnus la trace,
Je sentis que ma haine allait finir son cours,
Ou plutôt je sentis que je l'aimais toujours.
Ainsi de tous les Grecs je brigue le suffrage.
On m'envoie à Pyrrhus, j'entreprends ce voyage.
Je viens voir si l'on peut arracher de ses bras
Cet enfant dont la vie alarme tant d'États.
Heureux si je pouvais, dans l'ardeur qui me presse,
Au lieu d'Astyanax lui ravir ma princesse !
Car enfin n'attends pas que mes feux redoublés
Des périls les plus grands puissent être troublés.
Puisqu'après tant d'efforts ma résistance est vaine,
Je me livre en aveugle au destin qui m'entraîne.
J'aime ; je viens chercher Hermione en ces lieux,
La fléchir, l'enlever, ou mourir à ses yeux.
Toi qui connais Pyrrhus, que penses-tu qu'il fasse ?
Dans sa cour, dans son coeur, dis-moi ce qui se passe.
Mon Hermione encor le tient-elle asservi ?
Me rendra-t-il, Pylade, un bien qu'il m'a ravi ?

PYLADE.
Je vous abuserais, si j'osais vous promettre
Qu'entre vos mains, Seigneur, il voulût la remettre :
Non que de sa conquête il paraisse flatté ;
Pour la veuve d'Hector ses feux ont éclaté ;
Il l'aime.
Mais enfin cette veuve inhumaine
N'a payé jusqu'ici son amour que de haine ;
Et chaque jour encor on lui voit tout tenter
Pour fléchir sa captive, ou pour l'épouvanter.
De son fils, qu'il lui cache, il menace la tête,
Et fait couler des pleurs, qu'aussitôt il arrête.
Hermione elle-même a vu plus de cent fois
Cet amant irrité revenir sous ses lois,
Et, de ses voeux troublés lui rapportant l'hommage,
Soupirer à ses pieds moins d'amour que de rage.
Ainsi n'attendez pas que l'on puisse aujourd'hui
Vous répondre d'un coeur si peu maître de lui :
Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême,
Épouser ce qu'il hait et punir ce qu'il aime.

ORESTE.
Mais dis-moi de quel oeil Hermione peut voir
Son hymen différé, ses charmes sans pouvoir ?

PYLADE.
Hermione, Seigneur, au moins en apparence,
Semble de son amant dédaigner l'inconstance
Et croit que, trop heureux de fléchir sa rigueur,
Il la viendra presser de reprendre son coeur.
Mais je l'ai vue enfin me confier ses larmes :
Elle pleure en secret le mépris de ses charmes.
Toujours prête à partir, et demeurant toujours,
Quelquefois elle appelle Oreste à son secours.

ORESTE.
Ah ! Si je le croyais, j'irais bientôt, Pylade,
Me jeter...

PYLADE.
Achevez, Seigneur, votre ambassade.
Vous attendez le Roi. Parlez, et lui montrez
Contre le fils d'Hector tous les Grecs conjurés.
Loin de leur accorder ce fils de sa maîtresse,
Leur haine ne fera qu'irriter sa tendresse.
Plus on les veut brouiller, plus on va les unir.
Pressez, demandez tout, pour ne rien obtenir.
Il vient.

ORESTE.
Eh bien ! Va donc disposer la cruelle
A revoir un amant qui ne vient que pour elle.

JEAN RACINE


Andrómaca

ACTO I. ESCENA I.
ORESTES, PÍLADES, SÉQUITO DE ORESTES.

ORESTES
Sí, mi ingrata fortuna va a mudarse
Pues a tan fiel amigo he recobrado.
¿Cuándo pude creer que en este clima
Tan contrario a mis votos, tan infausto,
Tú el primero a mis ojos parecieras?
¿Que en la corte de Pirro hubiera hallado
Al que ha seis meses que perdido lloro?

PÍLADES
¡Gracias al Cielo! Desde el día aciago
En que las olas iritadas, casi
A la vista de Epiro, separaron
Nuestras naves, por siempre de la Grecia
Juzgué el camino para mí cerrado.
¡Qué de lágrimas, ay, tus desventuras
Me han hecho derramar! ¡Qué sobresaltos
En tu ausencia sufrí! De nuevos riesgos
Te contempla siempre rodeado
Sin ser de ellos partícipe tu amigo.
Esa melancolía tantos años
De tu alma apoderada me afligía
Sobre todo; temía que no en vano
Alguna vez el fin de tu existencia
Pidieras a los dioses. Mas mi amargo
Pesar tu vista calma, y al Epiro
Me atreveré a decir que te ha guiado
Más próspero destino cuando veo
De tu brillante séquito el ornato.

ORESTES
¿Quién sabe cuál será la suerte mía?
En busca de una ingrata amor mis pasos
Aquí dirige, y la anhelada muerte
Aquí el destino me prepara acaso.

PÍLADES
¡Qué!, siempre esclava del amor tu alma,
¿Tu vida fías sólo a su cuidado?
Tras de tantos tormentos, ¿sus cadenas
De nuevo arrastrarás? ¿Será más blando
De Hermione en Epiro el crudo pecho
Que en Esparta lo ha sido? Avergonzado
De sus desaires no lo aborrecías?
¿Su nombre no ahuyentaste de tus labios? ...
¡Orestes me engañaba!

ORESTES
Y a sí mismo
Se engañaba también. ¿Por qué inhumano
Redoblas el martirio de tu amigo?
¡Ah!, ¿cuándo de mi pecho los arcanos
Te oculté? Tú mi llama y mis suspiros
Viste nacer, tú mi mortal quebranto
Cuando en favor de Pirro, del ilustre
Vengador de su casa, Menelao
Dispuso de su hija, tú me has visto
Errar por esos mares arrastrando
Mi ruda pena y mis pesados grillos.
A pesar mío en tan funesto estado
Doquiera me has seguido; y, de mi furia
Interrrumpiendo el curso temerario,
Mil veces de mí propio me salvaste.
Cuando Hermione todos sus encantos
A Pirro prodigaba, y yo era sólo
De sus desprecios infelice blanco,
Condenando mi amor a eterno olvido
Tú sabes bien que quise castigarlos.
Cierto el triunfo creí. Tenía en menos
Sus gracias, y su orgullo detestando
De aborrecerla fiero me jactaba...
En mi engañosa calma confiado
Llego a la Grecia, do el común peligro
Coligaba a sus príncipes. Ufano
Me presento a su vista. Presumía
Que la guerra y la gloria otros cuidados
Más nobles me ofrecieran, y el antiguo
Vigor de mis sentidos recobrando,
Que libre el corazón respiraría.
Mas yo ignoraba que al funesto lazo
Que quería evitar corría ciego.
¡Oh constante ojeriza de mis hados! ...
En todas partes se amenaza a Pirro,
Toda Grecia murmura que, olvidando
Su sangre y su promesa, el enemigo
De los griegos se cria en su palacio;
El joven Astianacte, el hijo de Héctor,
Resto de tantos reyes sepultados
En las ruinas de Troya. Entonces supe
Que, al ingenioso Ulises engañando,
Pudo salvar Adrómaca a su hijo,
Y al sulplicio otro niño fue entregado.
Es fama que su amor y su corona
Ofrece a la troyana mi adversario,
De Hermione a la beldad poco sensible.
Bien que así no lo crea Menelao,
Siente que se descuide tanto tiempo
El pactado himeneo. Yo, entre tantos
Disgustos, en el alma nacer siento
Un secreto placer que sólo al lauro
Pienso deber de la venganza mía.
Mas, ¡ay!, bien pronto el corazón incauto
La simulada llama reanima
Y de la ingrata se confiesa esclavo.
El odio en él debilitarse siento,
O más bien reconozco, mal mi grado,
Que siempre la adoré... Todos los griegos
A mis ruegos conceden sus sufragios,
Y a Pirro se me envía con designio
De arrancar ese niño de sus brazos
Cuya vida inocente a tantos pueblos
Ha podido alarmar. ¡Fuérame dado
En lugar de Astianacte arrebatarle
Mi querida princesa! Mi conato,
Mi único anhelo es éste, a resistirlo
No bastan mis esfuerzos... Sí, yo la amo,
Pílades. Nada temo; me abandono
A mi ciega pasión, y si no alcanzo
A vencer su rigor, vengo resuelto
A robarla o morir... Háblame claro,
Tú, que a Pirro conoces, sus intentos
Pudiste penetrar, ¿conserva acaso
Hermione en su pecho algún dominio?
¿Querrá volverme un bien que me ha robado?

PÍLADES
Aunque en efecto sola en su albedrío
Reina la viuda de Héctor, en tus manos
Será difícil que a Hermione entregue.
Andrómaca su amor con odio insano
Ha pagado hasta ahora.No hay resorte
Que contra su desdén no emplee en vano.
¡Cuántas veces la pérdida jurada
Del hijo que la oculta amargo llanto
Hace verter a los maternos ojos,
Y rendido después corre a enjugarlo!
¡A los pies de Hermione cuántas veces
De un cariño mentido el holocausto
Ha venido a ofrecer en su despecho!
¿Quién pues de un corazón tiranizado
Hasta tal punto responderte puede?
Quizá, el despecho del amor triunfando,
Podrá unirse a la misma que aborrece,
De ser piadoso y de sufrir cansado.

ORESTES
¿Pero la lapidación de su himeneo
Cómo sufre Hermione, y el agravio
Que se hace a su belleza?

PÍLADES
En la apariencia
Desprecia la inconstancia de un ingrato,
Y espera que algún día se contemple
Dichoso en merecerla. Yo he logrado
Al fin que sus pesares me confíe.
Llora; partir quisiera, y sin embargo
No se resuelve. En su socorro a veces
Suele a Orestes llamar.

ORESTES
¡Ah!, ¿por qué tardo
En mostrar a sus pies...

PÍLADES
A Pirro esperas.
Acaba tu embajada. Conjurados
Contra Astianacte dile que los griegos
Por él te envían... No sería extraño
Que, lejos de entregarle, hacia la madre
Creciese su ternura, y sus contrarios
Consiguiesen unir... Mas aquí viene.

ORESTES
Anda, amigo: prepara tú entretanto
A esa crüel. Di que por ella solo
Las arenas de Epiro he saludado.

MANUEL BRETÓN DE LOS HERREROS

No hay comentarios:

Publicar un comentario

Nota: solo los miembros de este blog pueden publicar comentarios.